WEITERSWILLER

Anecdotes 7 : La fête au village

 

Messti

Chaque année à la Pentecôte a lieu la fête du village encore appelée Messti. Manège, stands de tir et de sucreries puis bal du soir dans la Dreschmachine, tel était le programme sur les deux jours. J'ai surtout connu la fête du temps où elle se déroulait au centre du village devant le restaurant Bloch et la mairie anciennement agence postale dirigée par Monsieur Kugel qui faisait aussi le facteur. Mais parfois les pentecôtes juives tombaient exactement à la même date que les pentecôtes chrétiennes et les réjouissances me passaient sous le nez. Quand ce n'était pas le cas je profitais pleinement de la fête avec mes copains, goutant l'interdit du tabac derrière les stands en partageant quelques bouffées de cigarettes P4 achetées chez Bloch. Et non seulement l'interdiction de fumer était bravée mais le chapardage sur les stands avait un caractère de normalité. Un jour notre bande est allée à Neuwiller les Saverne pour leur Messti, à deux sur chaque vélo, pour faire une razzia. Nous répartissant devant le stand, l'attention de la vendeuse était sollicitée par une demande de prix tandis qu'à l'autre bout un complice raflait les sachets " surprises " qui étaient immédiatement vidés derrière le stand. J'ai essayé ce jour de voler un malabar mais, peu habitué à cet exercice, je n'y suis pas parvenu et j'ai tendu les dix centimes à la vendeuse sans chercher à m'éclipser.

Messti 1935

Photo prise pour le Messti de 1935

 

Les forains du Messti de Weiterswiller venaient de Lichtenberg. Le stand de tir était dédié à St Hubert, patron des chasseurs et une majestueuse tête d'un cerf à larges ramures ornait le haut du stand. Une famille de forains, les Klein, habitait aussi au village mais ne participait pas, à mes souvenirs, à notre Messti. Par contre son manège était toujours présent à la foire de Saverne. Un jeudi de marché aux bestiaux je me suis attardé à cette foire aux innombrables animations et, en fin de marché, mon père m'a sans doute oublié et est rentré à Weiterswiller en me laissant sur place. Je me suis dit que le plus logique serait de rester près du manège du forain de Weiterswiller et c'est bien en cet endroit que mon père, accompagné de mon frère, est revenu me chercher. Il n'était pas très souriant ce jour mais au fond de lui-même très rassuré.

Trop souvent les fins de bals à Weiterswiller se terminaient tragiquement. L'ivresse au volant était en ces temps beaucoup moins traquée et de trop nombreux automobilistes fortement imbibés quittaient la salle de bal avec leur voiture pour prendre la route d'Obersoultzbach. Et chaque année des sorties de routes dans les virages conduisaient certains conducteurs à l'hôpital mais malheureusement aussi à la morgue. Afin d'éviter ces cas tragiques extrêmes les virages jugés dangereux ont été débarrassés de leurs arbres. L'abus d'alcool avait aussi l'inconvénient de faire croire à certains abrutis toujours prêts à la bagarre qu'ils étaient invincibles. Et de fait quelques individus en mal de reconnaissance écumaient les salles de bal seulement à la recherche de la castagne.

 

Conscription et service militaire.

A partir de 1997 le service militaire a été professionnalisé sous la présidence de Jacque Chirac. Avant cette date charnière aller sous les drapeaux était donc obligatoire pour tous les jeunes gens à partir de 20 ans. Né en 1950 et malgré mon sursis pour études je me suis plié à cette obligation citoyenne. En ces temps faire le service était, pour les garçons du village, le passage pour devenir un homme ; et au cas contraire être inapte au service et donc être réformé était le mal absolu, c'était quasiment honteux.

Avant de faire son service il fallait passer les trois jours du conseil de révision, formalité qui avait pour objectif de vérifier l'aptitude physique et psychique à faire le service national. C'est à Commercy que j'ai dû me rendre pour les tests. Et j'y ai découvert avec surprise que l'illettrisme en France était loin d'avoir disparu. Et la bêtise non plus. Questionnant un jeune couvert de coupures au visage un gendarme de l'accueil s'entendit répondre qu'il avait été blessé au bal par un adversaire avec un verre cassé, arme de prédilection en ces lieux. Le gendarme lui demanda s'il avait porté plainte car il avait failli être éborgné. Et le représentant de l'ordre resta pantois quand le garçon lui répondit avec assurance par la négative en précisant « Je vais me revancher ! ».

Après le passage au conseil de révision, les conscrits faisaient la fête. Accompagnés par la musique de l'accordéon il parcouraient le village avec un chapeau enrubanné, une cocarde tricolore en décoration sur le poitrail, et s'enivraient tout en chantant des chansons paillardes d'un répertoire bien garni. C'était chaque année un spectacle inédit que mes parents trouvaient bien dégradant et mon père m'avait demandé un jour de m'abstenir de fredonner ces chansons dont je n'ai saisi le sens caché que bien tard. Certains conscrits se soulaient au point de ne plus pouvoir tenir debout mais continuaient leur parcours, allongés dans une charrette conduite par leurs copains de beuverie.

Classe 40

Les conscrits de la classe 40 à Weiterswiller

 

Faire son service militaire en temps de paix était somme toutes une période plus ou moins agréable à passer selon l'endroit de l'affectation. Mon frère, qui avait fait son service dans l'armée de l'air à la BA901 de Drachenbronn, n'en a pas gardé un mauvais souvenir. Personnellement après deux mois de classes au 152ème régiment d'infanterie de Colmar j'ai été muté à Strasbourg dans des bureaux de l'aumônerie militaire. Les deux premiers mois de classes n'étaient pas faciles car c'était un régiment semi-disciplinaire. Mais les dix mois suivants se sont très bien passés.

Il faut cependant savoir qu'en temps de guerre dans les années 60 durant la guerre d'Algérie les appelés ont payé leur tribut et je me souviens qu'un jeune de Weiterswiller avait succombé suite à une maladie contractée durant son service en Algérie. Quelques jours avant son décès une ambulance militaire l'avait cherché à son domicile. C'était pour moi une mort un peu mystérieuse et je n'ai jamais eu de détails sur cette histoire. De manière générale nos parents donnaient à ces sujets macabres très souvent des explications fantaisistes comme par exemple pour le décès d'une jeune fille qui aurait été provoqué par l'ingestion d'un petit pain trop chaud ou celui d'un maçon dans la force de l'âge qui aurait succombé à une insolation car il avait oublié de mettre sa casquette sur son crâne chauve. C'était un autre temps ou les enfants n'avaient pas droit à certains savoirs.

 

 
 

 

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François SCHUNCK - décembre 2007
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